12 août 2019
Photo: Ricardo Stuckert

Nous soussignés, avocats, juristes, anciens ministres de la Justice et anciens membres des Cours supérieures de Justice de plusieurs pays, souhaitons soumettre à la réflexion des juges de la Cour suprême fédérale et, plus largement, à l’opinion publique brésilienne, les graves vices de procédure qui ont entaché les procès intentés contre Lula.

Les récentes révélations du journaliste Glenn Greenwald et de l’équipe du site de nouvelles «The Intercept», en partenariat avec les journaux «Folha de São Paulo» et «El País», le magazine «Veja» et d’autres médias, ont consterné tous les professionnels du droit. Nous avons été choqués de voir de quelle façon éhontée les règles fondamentales de la procédure brésilienne ont été violées. Dans un pays où la justice est la même pour tous, un juge ne peut être à la fois juge et partie dans un procès.

Sérgio Moro a non seulement instruit le procès de façon partiale, mais il a, dès le début, dirigé l’accusation. Il a manipulé les mécanismes de délation payée, il a orienté le travail du Ministère public, il a exigé le remplacement d’une procureure dont il n’était pas satisfait et il a dirigé la stratégie de communication de l’accusation.

En outre, il a mis les avocats de Lula sous écoute téléphonique et a décidé de ne pas appliquer la décision d’un juge qui avait ordonné la libération de Lula, violant ainsi de manière flagrante la loi.

Il est clair aujourd’hui que Lula n’a pas eu droit à un procès équitable. Il est à noter que, selon les propos de Sérgio Moro lui-même, il a été condamné pour des “faits indéterminés”. Un homme d’affaires, dont le témoignage a donné lieu à l’une des condamnations de l’ancien président, a même admis qu’il avait été contraint, sous la pression des procureurs, d’élaborer de toute pièce un récit qui incriminerait Lula. En fait, Lula n’a pas été jugé, il a été victime d’une persécution politique et il continue de l’être.

En raison de ces pratiques illégales et immorales, la justice brésilienne traverse actuellement une grave crise de crédibilité au sein de la communauté juridique internationale.

Il est indispensable que les juges de la Cour suprême fédérale exercent pleinement leurs fonctions et soient les garants du respect de la Constitution. Nous attendons également des autorités brésiliennes qu’elles prennent toutes les mesures nécessaires pour identifier les responsables de ces très graves écarts de procédure.

La lutte contre la corruption est aujourd’hui une question essentielle pour tous les citoyens du monde, tout comme la défense de la démocratie. Or dans le cas de Lula, non seulement la justice a été instrumentalisée à des fins politiques, mais l’état de droit a été clairement bafoué dans le but d’éliminer l’ancien président de la lutte politique.

Il n’y a pas d’état de droit sans le respect, en bonne et due forme, de la procédure régulière. Et il n’y a pas respect de la procédure régulière lorsqu’un juge n’est pas impartial mais agit en tant que chef de l’accusation. Pour que la justice brésilienne retrouve sa crédibilité, la Cour suprême fédérale est tenue de libérer Lula et d’annuler ces condamnations.

Liste des signataires:
Bruce Ackerman, professeur de droit et de sciences politiques à l’Université Yale
John Ackerman, professeur de droit et de sciences politiques à l’Université nationale Autonome du Mexique
Susan Rose-Ackerman, professeur émérite Henry R. Luce de jurisprudence, faculté de droit de l’Université de Yale
Alfredo Beltrán, ancien président de la Cour constitutionnelle de Colombie
William Bourdon, avocat inscrit au Barreau de Paris
Pablo Cáceres, ancien président de la Cour suprême colombienne
Alberto Costa, avocat, ancien ministre de la justice du Portugal
Herta Daubler-Gmelin, avocate, ancienne ministre de la Justice allemande
Luigi Ferrajoli, professeur émérite de droit, université Rome Three
Baltasar Garzón, avocat inscrit à l’ordonnance de Madrid
António Marinho e Pinto, avocat, ancien président (président) du barreau portugais
Christophe Marchand, avocat inscrit à l’Ordre de Bruxelles
Jean-Pierre Mignard, avocat inscrit au barreau de Paris
Eduardo Montealegre, ancien président de la Cour constitutionnelle de Colombie
Philippe Texier, ancien juge, conseil honoraire de la Cour de Cassation, ancien président du Conseil économique et social des Nations Unies
Diego Valadés, ancien juge à la Cour suprême du Mexique, ancien procureur général de la République
Gustavo Zafra, ancien juge ad hoc de la Cour interaméricaine des droits de l’homme

Folha de S. Paulo | Traduit par Antônio Artuso. Révision: Marc Cabioch.