3 octobre 2019
Photo: Parti des Travailleurs (PT)

Le dernier geste de Lula da Silva a surpris ses adversaires qui essayaient de lui préparer un piège: il a refusé avec véhémence de quitter sa cellule à moins que sa condamnation ne soit annulée. Accepter une progression vers le régime semi-ouvert serait d’une certaine manière se soumettre à une résolution qu’il n’a jamais reconnue comme véridique. Dans une lettre de sa propre main que l’avocat Cristiano Zanin a lu à la presse, à la porte du siège de la Police Fédérale à Curitiba, l’ex-président a annoncé ses intentions: “Je n’échange pas ma dignité contre ma liberté”. Il ne tolère pas “négocier” ses droits et avertit qu’il a “pleine conscience” des décisions qu’il prend. “J’ai prouvé que les accusations sont fausses. ce sont eux, et pas moi, ceux qui sont prisonniers des mensonges qu’ils ont raconté au Brésil et au monde”.

Devoir porter un bracelet électronique ou accomplir sa peine chez lui ne fait pas partie des plans de Lula. Cette attitude a décontenancé, d’ailleurs, les juristes brésiliens qui ont très rarement vu un prisonnier qui ne veuille pas quitter la prison. Une simple entorse à ce bon comportement enregistré durant les 540 jours de prison pourrait provoquer le retour au régime antérieur. Et même l’outrage à la décision judiciaire pourrait être considéré un acte suffisamment grave, ce qui veut dire que le schéma pourrait occulter une excentricité quelconque.

L’annulation des procès est la seule possibilité pour que Lula retourne à la politique institutionnelle, étant donné que suite à une réforme de la loi promue par lui-même en 2010, les présidents condamnés en seconde instance deviennent inéligibles pour 8 ans, une fois qu’ils ont fait leur peine.

Lula da Silva et son équipe d’avocats continueront patiemment dans l’attente de la Cour Suprême. D’ailleurs dans sa lettre, il exige que la Cour “corrige ce qui est erroné”. Avec l’évolution de l’agenda laboral des 11 magistrats en question, il va devenir clair si les méthodes de Moro et du Procureur de Curitiba continueront à prendre des revers. Si par exemple sont annulées toutes les condamnations dans lesquelles l’accusateur et l’accusé auraient présenté toutes leurs allégations finales en même temps; si sont suspendues les emprisonnements avec des sentences en deuxième instance – par conséquent, avec possibilité d’appel -, ou si les messages privés publiés par The Intercept sont considérés comme des preuves démontrées de la manipulation du procès.

Dans le cas où la stratégie de Lula da Silva fonctionne, il sera d’ici peu dans la rue pour mettre en forme les campagnes électorales des prochaines élections municipales de 2020. Le contrôle des grandes villes est fondamental pour la gauche brésilienne et son objectif de freiner Bolsonaro.

Chaque acteur du conflit dans un Brésil divisé manoeuvre pour obtenir le rendement maximal possible d’une situation faite de moments. Le même jour que Lula a fait un sixième de sa peine, les mêmes contrôleurs qui ont travaillé aux côtés du juge pour l’enlever de la course présidentielle ont lancé une demande pour que l’ex-président passe en régime semi-ouvert. Ayant accompli le sixième de leur peine, un rapport de bon comportement, et le paiement d’une amende équivalente à la quantité détournée, les prisonniers peuvent accomplir leur peine en liberté, bien que limités et contrôlés par un bracelet électronique.

Parmi les 15 procureurs qui ont signé la pétition adressée à la juge Carolina Lebbos on trouve Deltan Dallagnol, coordinateur de l’opération Lavage Express, Januário Paludo, Laura Tessler, Orlando Martello, Jerusa Viecili et Roberson Pozzobon, tous déjà fameux au Brésil de par leurs messages privés sur une conspiration contre Lula da Silva, publiés par The Intercept. Non seulement ils ont manipulé le procès avec l’actuel ministre de la Justice, mais ils en sont arrivés à ironiser ou se moquer de la mort de l’épouse, du frère et du petit-fils de l’ex-président.

Ils ont y compris essayé que le plus fameux de leurs prisonniers renégocie sa situation pour faciliter son retour à la liberté. Avec le scandale qui les menace et la pression des décisions de la Cour Suprême, ils préfèrent que l’ex-président abandonne sa position de “prisonnier politique”. C’est comme cela qu’un bon nombre d’organisations nationales et internationales considèrent Lula, entre elles l’Association Américaine de Juristes, la Confédération Syndicale Internationale, ou l’Association de Juges pour la Démocratie, et des personnalités comme Noam Chomsky, Baltasar Garzón, Adolfo Pérez Esquivel ou Ignacio Ramonet – parmi les appuis les plus récents. Le bureau du procureur à Curitiba, dans l’état du Parana, quartier-général des procès de cette opération, veut se libérer du poids de Lula. En fin de comptes, le but principal, l’enlever de la campagne durant l’année électorale, a été atteint avec succès.

El Diario | Traduit par Marc Cabioch.