2 juin 2020
Le ministre de la Justice et de la Sécurité publique du gouvernement de Jair Bolsonaro, Sergio Moro, annonce sa démission lors d'une conférence de presse le 24 avril 2020. Marcello Casal Jr / Agência Brasil

Les dernières déclarations de Sergio Moro et de ses avocats montrent que l’ancien ministre ne voudrait pas être jugé selon les méthodes qu’il a lui-même utilisées dans sa pratique de magistrat. Autrement dit, le Moro enquêté ne voudrait pas être jugé par le juge Moro.

Moro et le président Jair Bolsonaro font l’objet d’investigations dans le cadre de l’enquête 4 831, en cours de traitement devant la Cour Fédérale Suprême. L’enquête a été ouverte quatre jours après que Moro a quitté le poste de ministre d’État – poste qu’il a accepté d’occuper en 2018, l’année de l’élection présidentielle.

Il est possible de distinguer dans les déclarations de Moro et de ses avocats deux axes principaux de requête: les limitations pour ceux qui exercent des fonctions publiques et le respect des garanties inhérentes à l’exercice du droit de la défense. Concernant le premier point, l’avocat Rodrigo Sánchez Rios, défenseur de Moro, a écrit dans la Folha du 16 mai, à propos de l’importance pour ceux qui occupent des postes publics qu’ils agissent «dans l’intérêt public et de la société brésilienne, et non dans des souhaits, des intérêts et des projets des titulaires temporaires »de ces postes. Quant au deuxième point, nous cherchons à accéder au texte intégral d’un document relatif à l’enquête de police susmentionnée pour obtenir la garantie de la «parité des armes» dans l’exercice du droit de la défense.

Aucun aspect conceptuel ne mérite de divergence par rapport à ces postulations de Moro et de sa défense. Le respect des limites de la prestation des agents de l’État, ainsi que le respect de toutes les garanties fondamentales dans l’exercice du droit de la défense, est quelque chose que nous défendons toujours en tant qu’avocats et citoyens. Le respect de ces paramètres découle des conquêtes civilisatrices et, de plus, c’est le seul moyen de voir la Constitution fédérale et les obligations internationales assumées par le Brésil par le biais de traités.

Cependant, en tant que juge, Moro a agi contre ces paramètres. Il a agi comme un despote. Il a traité l’accusé comme un ennemi, nié l’essence du droit de la défense, il a anéanti, humilié, attaqué et encouragé des attaques contre des avocats. Il a épié nos lignes téléphoniques. Il a synchronisé les procès avec le calendrier politique.

Il a accepté une coopération internationale informelle et en dehors de la loi brésilienne. Il a violé la garantie du secret en utilisant des pratiques incompatibles avec le pouvoir judiciaire et avec les garanties fondamentales, comme le révèle la série de rapports publiés sur le site Internet d’Intercept Brasil.

L’affaire Lula incarne tous ces vices de la pratique de Moro en tant que juge, comme le montre l’habeas corpus que nous avons soumis au STF en novembre 2018. Moro a promu une véritable croisade contre Lula dans le but de s’immiscer dans le scénario politique du pays. Moro a agi en politicien parce qu’il allait devenir politicien.

Les mêmes raisons présentées aujourd’hui par Moro dans l’exercice de son propre droit à la défense renforcent la nécessité pour le système judiciaire de corriger les erreurs du passé, causées par Moro lui-même.

Le jugement concernant les soupçons qui pèsent sur l’ancien juge est un pas fondamental dans cette direction. Et cela relève de la compétence du même Tribunal Suprême contre lequel Moro dirige actuellement ses objections.

Cristiano Zanin Martins et Valeska T. Zanin Martins sont des avocats, représentant l’ancien président Luiz Inácio Lula da Silva (PT)

Folha de S. Paulo | Traduit par Francis Gast.